La contradiction apparente entre les termes de Maître Funakoshi Gichin
"le caractère essentiellement défensif du karate" et
"on ne doit jamais l'utiliser à des fins offensives" ouvre la porte à un autre niveau d'interprétation que Maître Roland Habersetzer, toujours dans son encyclopédie, introduit ainsi :
"Le premier mouvement, et même si de l'extérieur il peut être perçu comme une initiative d'attaque, doit être conçu comme une défense."
Maître Henry Plée, dans ses chroniques, nous éclaire sur différents niveaux d'interprétation du kyokun et apporte en même temps une explication à l'avertissement
"Il nous fait courir un danger mortel" de Maître Funakoshi Gichin à propos d'un comportement agressif :
"Au 1er niveau, "Il n'y a pas de première attaque en combat guerrier réel"
sera inévitablement compris par Monsieur-tout-le-monde "Il ne faut pas attaquer le premier".
Ceci parce que tout le monde est convaincu que "Celui qui attaque le premier gagne !".
Ce qui n'est pas faux. Cette stratégie peut être valable dans certains cas... si l'adversaire est naïf ou aveuglé par sa vanité. (...)
Le 2ème niveau enseigne exactement l'inverse du premier niveau, (...) attaquer le premier ne fonctionne que si l'adversaire nous est inférieur. S'il nous est supérieur techniquement (mais inférieur mentalement) nous n'aurons une chance de "l'éliminer" qu'en attendant l'instant précis où il se décidera à attaquer, ce qui provoque inévitablement une opportunité que nous pouvons exploiter.
On ne peut toucher (ou couper) qu'à la distance ou l'adversaire peut également nous toucher (ou nous couper). On ne peut attaquer le premier que si l'on pense avoir une chance d'éliminer l'adversaire, et cette pensée est forcément accompagnée d'une certaine déconcentration et d'une certaine satisfaction anticipée. En effet, l'esprit ne peut décider qu'une seule chose à la fois : attaquer OU parer.
Le second niveau dit, en quelque sorte "attendez sans idée préconçue que votre adversaire se décide à faire la première attaque, et attaquez immédiatement dans l'ouverture ainsi créée".
Ce qui est également en accord avec le précepte du Heiho Kadensho (des années 1600), qui dit : "attaquer sans que l'ennemi ait décidé d'attaquer augmente considérablement les risques de défaite"
et qui ajoute "mettez-vous à la distance (ma) où l'ennemi ne pourra pas toucher votre corps, mais à la distance où vous pourrez tirer avantage de sa première attaque infructueuse, qui deviendra ainsi mortelle pour lui, car il vous suffira d'avancer de toute votre âme, sans réserve et sans peur, pour le défaire immédiatement".