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lundi 1 novembre 2010

Transmission - Histoire de sagesse transmise par Maître Henry Plée

L'article intitulé "Connaître, apprendre, transmettre selon les sagesses chinoises. Pour une lecture pédagogique de la spiritualité.", publié par Philippe Filliot sur le site Le Journal des Chercheurs (voir message précédent), souligne des éléments clés de la relation maître - élève - savoir dans la tradition chinoise - éléments que l'on peut retrouver dans certains dojo d'arts martiaux traditionnels. Il décrit les principales modalités d'enseignement du maître que sont le silence, l'allusion et l'absence, ainsi que le nécessaire engagement de l'élève, qui doit notamment veiller à être disponible et accepter la durée nécessaire de sa maturation.

Une histoire de sagesse, transmise par Maître Henry Plée dans l'une de ses chroniques, illustre certains de ces principes :

Un maître de sagesse très célèbre était de passage dans une petite ville. En apprenant cette nouvelle, le maire pensa que c’était une bonne occasion pour les habitants de la bourgade et demanda à ce maître de bien vouloir faire une conférence à ses administrés sur le sujet qui lui plaira. Des crieurs circulèrent dans la rue, annonçant à la population que la maître de sagesse allait faire une conférence, dimanche, dans la salle des fêtes. Ledit maître était très célèbre pour sa sagesse et pour son humour. A l’heure dite, la salle était pleine d’hommes, de femmes et d’enfants riant à l’avance des plaisanteries de sagesse desquelles le maître avait coutume d’émailler ses conférences.
Le maître de sagesse entra dans la salle des fêtes, salua l’assistance ravie, monta sur une chaire hâtivement construite et demanda : « savez-vous de quoi je vais parler ? »
- « Oui, Maître, nous le savons ! » répondit d’une seule voix l’assistance en riant.
Le maître eut un large sourire et dit : « si vous le savez, dans ce cas, il est inutile que je parle. »
Et il quitta la salle.
Après ce qui s’était passé, le maire rendit visite au maître de sagesse, lui présenta ses excuses pour la maladresse de ses administrés et le pria d’accepter de faire une autre conférence le dimanche suivant. A l’heure dite, le maître entra dans la salle des fêtes, monta sur la chaire et demanda : « est-ce que vous savez de quoi je vais parler ? »
- « Non, nous n’en avons aucune idée ! » répondirent les concitoyens échaudés le dimanche précédent.
- « Bien, si vous ne savez rien, il est inutile que je vous parle, puisque l’on ne peut discuter que de ce que l’on connaît déjà ».
Et le maître salua la salle et sortit.
Le maire vint voir à nouveau le maître de sagesse et le supplia de donner aux habitants une dernière chance le dimanche suivant. A l’heure dite, le maître entra dans la salle des fêtes et monta sur la chaire.
Personne ne riait plus. On entendait les mouches voler.
Le maître posa la même question : « savez-vous de quoi je vais parler ? »
Echaudée par son expérience des deux dimanches précédents, l’assemblée répondit prudemment d’une voix : « Hé bien, il y en a qui savent et il y en a qui ne savent pas… »
« Parfait », répondit le maître, « dans ce cas, que ceux qui savent expliquent à ceux qui ne savent pas ». Et il quitta la salle, puis quitta le village.

Transmission - La relation maître disciple selon Albert Camus

"C'est une chance en effet que de pouvoir, une fois au moins dans sa vie, connaître cette soumission enthousiaste. Parmi les demi-vérités dont s'enchante notre société intellectuelle figure celle-ci, excitante, que chaque conscience veut la mort de l'autre. Aussitôt nous voilà tous maîtres et esclaves, voués à nous entre-tuer. Mais le mot maître a un autre sens qui l'oppose seulement au disciple dans une relation de respect et de gratitude. Il ne s'agit plus alors d'une lutte des consciences, mais d'un dialogue, qui ne s'éteint plus dès qu'il est commencé, et qui comble certaines vies. Cette longue confrontation n'entraîne ni servitude ni obéissance, mais seulement l'imitation au sens spirituel du terme. A la fin, le maître se réjouit lorsque le disciple le quitte et accomplit sa différence, tandis que celui-ci gardera toujours la nostalgie de ce temps où il recevait tout, sachant qu'il ne pourrait rien rendre. L'esprit engendre l'esprit, à travers les générations, et l'histoire des hommes, heureusement, se bâtit sur l'admiration autant que sur la haine."
Albert Camus.

Ce texte est cité dans un article de Philippe Filliot, Docteur en Sciences de l'Education, "Connaître, apprendre, transmettre selon les sagesses chinoises. Pour une lecture pédagogique de la spiritualité." L'article est disponible sur le site Le Journal des Chercheurs.
http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=406

Photo : Albert Camus

dimanche 30 mai 2010

Le Maître de Thé

"De quinze à trente ans, suivre aveuglément toutes les instructions du Maître. De trente à quarante ans, en revanche, il convient de réfléchir et d'arriver soi-même aux bonnes décisions. De quarante à cinquante ans, il faut prendre le contrepied du Maître, afin de trouver son propre style et d'être digne d'être appelé Maître à son tour : "Renouveler la Voie du Thé !". De cinquante à soixante ans, refaire en tout point ce que le Maître faisait (jusqu'au simple geste de transvaser l'eau d'un récipient dans un autre). Prendre exemple sur tous les Maîtres. A soixante-dix ans, tenter d'atteindre à la maîtrise de la cérémonie...".
Le Maître de Thé, roman de Yasushi Inoué.

Mes remerciements à François.

dimanche 7 mars 2010

Senpai et kohai, un mode de transmission

La relation entre le senpai (élève avancé, ancien, senior) et le kohai (jeune élève, junior) est traditionnelle dans la culture japonaise. En revanche, en occident, elle peut être mal comprise ou déformée.
Il s'agit en effet d'une relation verticale, le dojo n'étant pas une démocratie, mais cette hiérarchie n'est pas fondée sur un rapport de force (comme dans un groupe de mamifères supérieurs) mais sur un mode de transmission du savoir.

Maître Henry Plée l'explique dans les Chroniques Martiales :
"Les dan sont des grades de perfectionnement, tandis que les kyu sont considérés comme des grades d'étude ou d'étudiant. Pour cette raison, au Japon, dans le système dan-kyu, les pratiquants se désignent souvent entre eux, lorsqu'ils veulent être courtois : "ko-hai" ("junior" pour les kyu) et "sen-pai" ("senior" pour les dan). Mais le système des kohai et senpai est plus complexe. Traditionnellement le kohai appellera toute sa vie "Senpai" le senior ayant commencé la pratique avant lui, même (et surtout) si le "junior" en question arrive à un haut dan, alors que le senior stagne à un dan inférieur. Par cette forme de courtoisie, très extrême-orientale et dans le cadre du respect (et du culte) des ancêtres, le junior remercie le senior de lui avoir permis de progresser en le précédant : "Sans les seniors du passé, mon art martial aurait disparu, sans mes partenaires seniors, je n'aurais pu arriver à mon dan, je leur dois respect et infinie reconnaissance"."

Le senpai est donc un passeur, un maillon dans la chaîne de transmission. Peu importe l'évolution de leurs niveaux respectifs, le senpai restera à jamais pour le kohai celui qui a contribué à son enseignement, même indirectement par sa seule implication dans la vie du dojo. Cela exclut tout comportement dicté par l'ego, de type dominant dominé, comme on peut en voir dans les groupes de mamifères,... et dans les dojos qui ont abandonné ces valeurs traditionnelles.

Maître Funakoshi Gishin, dans "Karate-do ma Voie, ma Vie", met en garde :
"Certains débutants deviendront de meilleurs karateka que leur professeur. Or j'entends les enseignants qualifier trop fréquemment les pratiquants de Oshiego, élève, de Montei, partisan, de Deshi, disciple, ou encore de Kohai, jeune. Je pense qu'il conviendrait d'éviter un tel vocabulaire qui sera désuet le jour où l'élève aura dépassé le maître. L'enseignant risque de tomber dans l'orgueil et d'oublier que le jeune homme auquel il s'adresse avec arrogance non seulement le rattrapera mais le dépassera dans l'art du karate ou dans d'autres domaines de l'existence".